La semaine dernière, le fameux 004e circulaire de l’ARF est redevenu un sujet de débat actif au sein du Parlement arménien. Ce document, révélé il y a plusieurs mois par le site civic.am, a déclenché des controverses parmi les députés affiliés à l’ARF. Certains nient catégoriquement son existence, tandis que d’autres, tout en contredisant leurs collègues, affirment que les citations issues du document sont des fabrications attribuées à tort à l’organisation.
Cependant, l’ARF a une longue histoire de circulaires confidentielles qui finissent par devenir publiques. Un précédent célèbre remonte à 2001, sous la présidence de Robert Kotcharian, lorsqu’une autre circulaire secrète, la N°55, avait fuité dans la presse. Le contenu de cette circulaire, bien que nié par les responsables de l’ARF à l’époque, est récemment revenu au-devant de la scène grâce à des discussions autour de l’ancien président.
Contexte et contenu de la circulaire N°55
La circulaire N°55 portait sur les développements récents concernant la résolution du conflit du Haut-Karabakh, notamment les propositions discutées à Key West. Le document, destiné à un usage interne, détaillait les principales lignes de négociations, parmi lesquelles :
1. L’acceptation par l’Azerbaïdjan que le Haut-Karabakh, relié par un corridor à travers Latchine, fasse partie de l’Arménie (la définition exacte du corridor restait incertaine).
2. La restitution des territoires “libérés” à l’Azerbaïdjan par l’Arménie, sans clarté sur le sort des zones comme Chahoumian ou la plaine de Martakert.
3. L’octroi à l’Azerbaïdjan d’un accès routier à travers le territoire arménien pour relier le Nakhitchevan au reste du pays.
4. Une ratification finale de l’accord par les parlements des deux pays et via référendums nationaux.
5. Une assistance financière internationale pour soutenir ce processus.
Le document exprimait la désapprobation de l’ARF vis-à-vis de cette proposition, tout en soulignant les risques qu’entraînerait une opposition ouverte aux autorités arméniennes, dirigées alors par Kotcharian.
Un dilemme stratégique
Le document souligne que toute confrontation directe avec les autorités pourrait entraîner une persécution sévère contre l’ARF, rappelant les répressions subies sous les régimes précédents. Voici quelques passages marquants de cette circulaire :
• « Si nous rejetons aujourd’hui les territoires libérés, cela signifie renoncer à la lutte pour la cause arménienne. »
• « Un rejet catégorique pourrait entraîner une campagne internationale de dénigrement contre l’ARF, mettant en avant l’image d’une organisation terroriste ou extrémiste. »
• « Une opposition ouverte à ces propositions risque de faire de nous l’obstacle principal à l’accord, ce qui pourrait provoquer une guerre artificielle avec des conséquences désastreuses. »
Réactions et controverses
La publication de cette circulaire avait suscité un tollé parmi les membres de l’ARF, notamment ceux basés à l’étranger. Un groupe de membres de l’ARF au Canada avait publié une déclaration condamnant la soumission de la direction du parti aux positions de Kotcharian pour préserver leurs privilèges politiques.
Cependant, la direction de l’ARF avait catégoriquement nié ces allégations, affirmant que la circulaire était falsifiée. Cette défense n’a pas dissipé les critiques, notamment en raison des contradictions dans les prises de position de l’ARF concernant le processus de paix au Karabakh.
Conclusion
Le cas de la circulaire N°55 illustre les tensions internes et les dilemmes stratégiques auxquels l’ARF était confrontée sous la présidence de Robert Kotcharian. L’organisation semblait hésiter entre préserver ses intérêts politiques et s’opposer fermement aux propositions de résolution du conflit. Cette hésitation reflète un calcul pragmatique, mais a aussi suscité des accusations de compromis idéologique et de perte de principes fondamentaux.
La fuite de ces documents, comme celle de la circulaire 004 plus récemment, expose les défis que l’ARF continue de rencontrer en équilibrant sa loyauté envers ses idéaux et ses alliances politiques.