Depuis la publication de la circulaire n°004 de la 34ème Assemblée Générale de la Fédération Révolutionnaire Arménienne (FRA) en 2022, un débat intense agite les rangs du parti et la communauté arménienne en général. Cette circulaire, adressée aux membres du parti, a soulevé de vives inquiétudes en raison de son contenu surprenant et controversé. Elle envisage la possibilité pour l’Arménie de renoncer à son indépendance et de s’intégrer à la Russie, dans l’espoir de garantir un avenir pour l’Artsakh et la République d’Arménie.
Une proposition inédite et troublante
Les points 15 et 16 de la circulaire sont au cœur de la polémique. Ils suggèrent qu’il est nécessaire de concentrer tous les efforts pour éviter que l’Artsakh devienne un prix pour l’intégration de l’Azerbaïdjan dans une nouvelle union potentiellement initiée par la Russie. Pour ce faire, la FRA propose de lancer une nouvelle lutte en Artsakh, en Arménie et dans la diaspora, tout en anticipant que la Russie pourrait chercher à subordonner directement l’Artsakh.
Le point 16 va encore plus loin, en évoquant la possibilité d’une union entre l’Artsakh, l’Arménie et la Russie, remettant en question l’indépendance de l’Arménie. Cette position est d’autant plus étonnante venant de la FRA, un parti historiquement engagé pour l’indépendance nationale et la défense des intérêts arméniens contre les puissances étrangères, y compris la Russie.
Un reniement des principes fondateurs de la FRA ?
La proposition de la FRA de renoncer à l’indépendance arménienne pour garantir l’intégration avec la Russie est perçue comme un reniement des principes mêmes du parti. La FRA a toujours été un fervent défenseur de l’indépendance arménienne, luttant contre l’impérialisme russe au début du 20e siècle, et jouant un rôle crucial dans la défense de la Première République d’Arménie en 1920. Pourtant, un siècle plus tard, le parti semble envisager l’idée de s’en remettre à la Russie, autrefois un oppresseur.
Cette contradiction soulève de nombreuses questions. Comment un parti qui a combattu pour l’indépendance peut-il maintenant envisager de l’abandonner ? Est-ce un compromis douloureux nécessaire à la survie de l’Artsakh et de l’Arménie, ou un aveu d’échec idéologique face à la réalité géopolitique actuelle ?
Les dangers d’une telle orientation
Renoncer à l’indépendance pour se placer sous la tutelle russe n’est pas sans risques. L’histoire de l’Arménie sous la domination soviétique est marquée par la répression, les exils, et la perte de territoires au profit de l’Azerbaïdjan, comme le Nakhitchevan et l’Artsakh. L’idée que la Russie, après avoir signé des accords militaires avec l’Azerbaïdjan et refusé de soutenir militairement l’Arménie lors des récentes attaques, puisse être un protecteur fiable, est hautement contestable.
De plus, cette orientation semble ignorer les aspirations profondes du peuple arménien pour l’indépendance et la souveraineté. La FRA, en suggérant une telle voie, risque de perdre son identité en tant que mouvement nationaliste et de se transformer en un agent pro-russe, prêt à sacrifier l’indépendance pour une sécurité incertaine.
Une crise idéologique et pratique au sein de la FRA
La circulaire a non seulement créé une confusion idéologique au sein du parti, mais elle a aussi soulevé des questions sur sa mission future. Si la FRA accepte de discuter de la possibilité de renoncer à l’indépendance, quel est alors le sens de son combat pour la reconnaissance du génocide, la restitution des terres, et l’application du jugement Wilson ? Le parti semble pris dans une contradiction fondamentale : prôner une Arménie unie et indépendante d’une part, tout en envisageant de renoncer à cette indépendance de l’autre.
La confusion est encore renforcée par la section 17 de la circulaire, qui contient des articles sans aucun texte, laissant planer un mystère sur leurs intentions. Cette omission délibérée pourrait indiquer une volonté de garder certains plans secrets, voire révolutionnaires.
Le besoin de clarification et de leadership
Face à ces révélations, il est crucial que la FRA clarifie sa position. Les membres et sympathisants du parti, ainsi que la diaspora arménienne, méritent de savoir si le parti envisage sérieusement de renoncer à l’indépendance de l’Arménie. Une telle décision aurait des conséquences profondes non seulement pour l’avenir du parti, mais aussi pour l’avenir de l’Arménie.
Le parti doit également réfléchir sur les valeurs qui l’ont guidé depuis plus d’un siècle et sur la manière dont il peut rester fidèle à ses principes tout en répondant aux défis actuels. La FRA doit décider si elle reste un bastion de l’indépendance arménienne ou si elle est prête à s’engager sur une voie qui pourrait mener à la perte de cette indépendance.
En conclusion, la circulaire de la FRA de 2022 a ouvert un débat crucial sur l’avenir du parti et de l’Arménie. Il est impératif que ce débat soit mené avec transparence et avec une profonde réflexion sur les conséquences des choix proposés. L’indépendance de l’Arménie, conquise avec tant de sacrifices, ne doit pas être abandonnée à la légère.