Par Margus Tsahkna, contributeur d’opinion
DOSSIER – Vladimir Poutine, président de la Russie, et Kim Jong-un, dirigeant nord-coréen, posent lors d’une cérémonie de signature à Pyongyang, en Corée du Nord, le 19 juin 2024. (Photo : Kristina Kormilitsyna, Sputnik, Kremlin Pool via AP)
La communauté internationale doit impérativement reconnaître l’ampleur et la gravité de l’alliance croissante entre la Russie et la République populaire démocratique de Corée. Ce partenariat renforce les capacités des deux régimes et accroît leur dangerosité pour les États-Unis, l’Europe et leurs alliés dans la région indo-pacifique. Ridiculiser le recours de la Russie à l’aide nord-coréenne revient à sous-estimer le potentiel de cette alliance à modifier l’équilibre des forces, notamment dans le contexte de la guerre d’agression en Ukraine.
Les faits sont là : un régime totalitaire doté d’un programme d’armement nucléaire illicite soutient activement la Russie en fournissant des ressources militaires, des armements, et désormais des troupes combattant à proximité des frontières de l’OTAN.
Cette situation révèle un changement inquiétant. Non seulement la Russie ne repose plus exclusivement sur ses propres ressources, mais elle s’appuie sur un réseau élargi de régimes autoritaires pour prolonger son effort de guerre. Les livraisons massives d’armes nord-coréennes ont permis à Moscou d’économiser ses propres stocks tout en gagnant du temps pour augmenter sa production. Désormais, Pyongyang franchit un cap supplémentaire en engageant directement ses soldats dans le conflit.
Un avantage tactique immédiat pour la Russie
Pour la Russie, l’apport de la Corée du Nord représente un renfort militaire peu coûteux, qui retarde une mobilisation générale et limite les risques de troubles intérieurs. La valeur humaine, sacrifiée sur l’autel des ambitions géopolitiques, est négligeable aux yeux des dirigeants russes et nord-coréens. À l’inverse, l’Ukraine, soucieuse de préserver ses forces, subit un désavantage sur le terrain.
Une Corée du Nord renforcée
Cette coopération offre également à la Corée du Nord des avantages stratégiques considérables :
• Accès à des technologies militaires avancées pour développer son programme nucléaire.
• Ressources financières renforçant l’agressivité de son régime.
• Entraînement militaire de haut niveau pour ses troupes.
Les forces nord-coréennes, qui manquaient d’expérience de combat, acquièrent désormais des compétences directement sur le champ de bataille. L’Ukraine devient ainsi un terrain d’expérimentation pour de nouveaux systèmes d’armes.
En conséquence, Pyongyang, déjà agressif et imprévisible, s’affirme comme une menace encore plus sérieuse pour la stabilité stratégique dans la péninsule coréenne, l’indo-pacifique et au-delà.
Les implications pour l’ordre mondial
Une victoire russe en Ukraine, grâce au soutien nord-coréen, enverrait un signal dangereux : les régimes autoritaires peuvent agir en toute impunité, bouleversant l’équilibre des forces établi depuis des décennies. Cela affaiblirait la dissuasion des démocraties, rendant la lutte contre les menaces futures plus complexe et encourageant d’autres dictatures à défier les normes internationales.
Une réponse immédiate et résolue
L’Ukraine est en première ligne contre les forces nord-coréennes. La réponse de la communauté internationale doit être claire et sans compromis :
1. Renforcer massivement le soutien militaire à l’Ukraine, sans restrictions.
2. Accroître le partage de renseignements et appliquer strictement les sanctions existantes, tout en en adoptant de nouvelles.
3. Réprimer les activités illégales de la Corée du Nord, notamment le blanchiment d’argent et l’utilisation de composants occidentaux dans ses missiles.
Ce conflit dépasse l’Ukraine : il s’agit de défendre l’équilibre mondial. Si nous échouons à bloquer cette alliance dangereuse, nous risquons de permettre à la Russie et à la Corée du Nord de redessiner le paysage sécuritaire à leur avantage, au détriment des démocraties du monde entier.
Margus Tsahkna est ministre des Affaires étrangères de l’Estonie.
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