Hermine Karapetian
Introduction :
Dans un contexte de tensions croissantes dans le Caucase du Sud, les récentes visites diplomatiques et les manœuvres militaires soulèvent de nombreuses questions sur l’avenir des relations entre l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Russie et l’Iran. Pour éclairer ces enjeux, Haykakan Zhamanak a interviewé Karen Hovhannisyan, expert militaire, sur la récente visite du président russe Vladimir Poutine à Bakou, les désinformations propagées par le ministère de la Défense de l’Azerbaïdjan, et les implications possibles pour l’Arménie.
L’interview :
Q : M. Hovhannisyan, durant la visite de Vladimir Poutine à Bakou, une vague de désinformation a été lancée, notamment concernant les forces armées arméniennes. Quelle en est la signification ?
Karen Hovhannisyan : La visite de Poutine à Bakou est un événement clé dans les relations trilatérales entre la Russie, l’Arménie, et l’Azerbaïdjan. Tandis que Poutine est resté mesuré dans ses déclarations, d’autres membres de son entourage, comme le président biélorusse Loukachenko, ont été plus explicites, ce qui montre la ligne dure que Poutine souhaite imposer. Les déclarations sur un prétendu sabotage de l’accord de communication par Erevan ne sont pas anodines, mais visent à rappeler que la Russie contrôle toujours les clés de la paix dans la région.
Q : Lavrov a récemment évoqué le « corridor de Zangezour » en accusant Erevan de saboter l’accord. Est-ce lié à la visite de Poutine ?
K.H. : Absolument, ces déclarations ne sont pas le fruit du hasard. Elles sont destinées à montrer que le conflit dans la région n’est pas résolu, et que la Russie reste un acteur incontournable pour la paix dans le Caucase du Sud. Poutine a clairement indiqué que la Russie détient les documents nécessaires pour la démarcation des frontières entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, ce qui renforce l’idée que Moscou est le garant ultime de la stabilité régionale.
Q : Dans ce contexte, pourquoi l’Arménie reste-t-elle membre de l’OTSC, et cette adhésion est-elle bénéfique ?
K.H. : Rester membre de l’OTSC doit être notre ultime recours. Bien que l’Arménie participe de moins en moins aux activités clés de l’OTSC, quitter cette alliance sans avoir une alternative viable serait risqué. Nous devons d’abord sécuriser notre place dans une autre alliance militaire avant d’envisager de quitter l’OTSC, car rester seul dans un contexte de sécurité aussi complexe serait dangereux.
Q : Lorsque l’Azerbaïdjan diffuse des informations mensongères, cela précède souvent des actions militaires. Peut-on s’attendre à une nouvelle provocation contre l’Arménie ?
K.H. : La Russie et l’Azerbaïdjan ne sont pas d’accord sur plusieurs points, mais la Turquie joue un rôle crucial ici. En raison du manque de soutien des États-Unis envers la Turquie dans sa coopération avec la Russie, Bakou et Moscou commencent à parler le langage de la force. Si la situation géopolitique change, comme avec un potentiel conflit irano-israélien, cela pourrait influencer les actions de l’Azerbaïdjan. Cependant, il est probable que Bakou se lance dans des opérations militaires avant la fin de l’année.
Q : Si l’OTSC ne nous aide pas, quelles devraient être les priorités de l’Arménie ?
K.H. : L’Arménie doit se préparer sur les fronts diplomatique et militaire, car ces deux domaines sont interdépendants en temps de guerre. Nous devons convaincre la communauté internationale que nos intérêts souverains coïncident avec ceux de l’Iran, afin d’assurer un soutien concret de Téhéran. De plus, il est crucial de documenter nos relations internationales pour éviter toute surprise, comme ce fut le cas avec l’OTSC lorsque la délimitation des frontières a été remise en question.
Q : Pourquoi Aliyev semble-t-il pressé d’agir ?
K.H. : Le dictateur de Bakou est pressé car le temps joue en faveur de l’Arménie. Notre pays se renforce tant sur le plan diplomatique que militaire, ce qui affaiblit la position de l’Azerbaïdjan. Plus l’Arménie devient solide, plus Bakou se sent menacé.
Conclusion :
L’analyse de Karen Hovhannisyan révèle un paysage géopolitique complexe où l’Arménie doit naviguer avec prudence et stratégie. Alors que l’Azerbaïdjan pourrait être tenté de lancer une offensive, l’Arménie doit consolider ses alliances et se préparer à toute éventualité. La position de l’Iran dans ce contexte pourrait s’avérer cruciale pour l’avenir de la région.
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