Partie 3
En substance, cela signifie que Stepanakert rejette l’accord tripartite signé entre la Russie, l’Azerbaïdjan et l’Arménie pour mettre fin à la guerre de 44 jours. Selon cette position, non seulement le district de Hadrut et la ville de Chouchi devraient être restitués, mais également tous les territoires qui étaient sous contrôle arménien au 12 mai 1994.
Vahram Atanesyan
Peu après la visite de Valérie Pécresse, candidate d’opposition française, à Stepanakert, une fuite d’informations a circulé – en réalité une initiative locale orchestrée par les structures de la Fédération Révolutionnaire Arménienne (FRA). Cette fuite indiquait que le Bureau de la FRA aurait demandé à Araïk Haroutiounian, président de l’Artsakh, de démettre Arthur Tovmasian de son poste de président de l’Assemblée nationale et de le remplacer par David Ishkhanyan.
La raison avancée était qu’Arthur Tovmasian avait déjà occupé ce poste entre 1995 et 1997, une période où Samvel Babayan, alors commandant de l’armée de défense, exerçait une influence dominante. Tovmasian était accusé de rester sous cette influence, Babayan lui-même étant considéré comme un proche de Nikol Pachinian.
En outre, les critiques reprochaient à Tovmasian d’abuser de ses fonctions en bloquant les initiatives législatives des factions patriotiques du parlement. Par exemple, les groupes FRA, “Justice” et “Démocratie” auraient tenté de présenter une loi définissant le statut juridique des territoires occupés par l’Azerbaïdjan, mais Tovmasian s’y serait opposé.
Cette opposition a été publiquement remise en question par Tevan Poghosyan, ancien député arménien, qui a révélé sur Facebook un entretien téléphonique avec Tovmasian. Ce dernier aurait promis que le projet de loi sur les “Territoires occupés” serait inscrit à l’ordre du jour du parlement.
« J’espère que cette loi sera adoptée en février, à l’approche de l’anniversaire du Mouvement de libération du Karabakh », écrivait Poghosyan. Cette déclaration a laissé entendre que Tovmasian avait changé de position. Cela signifiait également que la faction “Patrie libre – Parti démocrate chrétien”, alliée de Haroutiounian, soutenait désormais le projet de loi.
Une loi historique
Les principaux promoteurs de cette loi étaient Artak Beglaryan, ministre d’État, et David Babayan, ministre des Affaires étrangères. Finalement, l’administration parlementaire a annoncé que toutes les factions avaient co-signé le projet, lequel avait été approuvé par les commissions compétentes et inscrit à l’ordre du jour.
Comme prévu, le texte a été discuté en deux lectures et adopté à l’unanimité le 18 février 2022, deux jours avant l’anniversaire du Mouvement de libération. La loi stipule que tous les territoires de l’Artsakh occupés par l’Azerbaïdjan depuis la guerre de 44 jours, y compris ceux cédés par l’accord tripartite du 9 novembre, sont considérés comme temporairement occupés et doivent être restitués. La base juridique invoquée est la loi de la République du Haut-Karabakh sur la “Division administrative et territoriale”.
Cette décision signifiait que Stepanakert refusait de reconnaître la validité de l’accord du 9 novembre et exigeait la restitution de tous les territoires sous contrôle arménien avant le 12 mai 1994.
Un compromis politique
La tentative de remplacer Arthur Tovmasian par David Ishkhanyan à la présidence de l’Assemblée nationale a finalement débouché sur un compromis politique. Ce dernier s’est traduit par une adoption unanime de la loi et une solidarité affichée autour de la question des territoires occupés. Cependant, ce consensus a également affaibli l’autorité d’Araïk Haroutiounian, limitant sa capacité à mener une politique étrangère indépendante. Une situation qui, en pratique, a instauré une forme de dualité du pouvoir à Stepanakert.
Coordination ou initiative isolée ?
Il reste flou si l’adoption de cette loi a été coordonnée avec le commandement russe au Karabakh ou s’il s’agissait d’une initiative locale. Ce qui est certain, c’est que cette décision a marqué un tournant, accentuant la confrontation entre Bakou et Stepanakert. Cette tension s’est manifestée dans les mois suivants, culminant avec le blocus de la route Goris-Stepanakert par les forces russo-azerbaïdjanaises.