Interview recueilli et traduit de l’arménien au français par Shushanna Atanesian
À l’approche des élections de 2026 en Arménie, une nouvelle figure émerge sur la scène politique, promettant de bousculer l’ordre établi et d’apporter un souffle novateur. Gurgen Simonyan, fort d’un parcours académique impressionnant et d’une expérience militaire notable, se positionne comme une alternative crédible aux leaders traditionnels. Avec une formation en économie et en sciences politiques, ainsi qu’une implication active dans des enjeux de sécurité nationale, Simonyan incarne une voix fraîche et dynamique, prête à répondre aux défis contemporains du pays. Alors que les électeurs cherchent des solutions aux crises passées et présentes, sa vision pour une Arménie moderne et résiliente pourrait bien séduire une population en quête de changement. Dans cet article, nous plongeons dans la biographie et les idées de Gurgen Simonyan, explorant comment il pourrait redéfinir le paysage politique arménien.
Gurgen Simonyan, né le 30 mai 1985 à Yerevan dans une famille de médecins, a suivi une formation académique solide en économie et gestion, obtenant un diplôme d’ingénieur-économiste à l’Université d’État d’Architecture et de Construction de Yerevan. Après avoir servi dans l’armée arménienne, il a poursuivi des études en sciences politiques, obtenant un master et un doctorat avec une thèse sur la modernisation des intérêts nationaux en Arménie.
Entre 2015 et 2024, il a été chercheur senior à l’Institut de philosophie, sociologie et droit de l’Académie nationale des sciences d’Arménie et a travaillé comme analyste au Centre de recherche stratégique militaire du ministère de la Défense. Gurgen Simonyan a également enseigné dans plusieurs institutions académiques, partageant son expertise en sécurité militaire et en gestion politique.
Il a été président d’un sous-comité sur l’intégration internationale et a participé activement aux opérations militaires pendant la guerre de 2020, recevant la médaille ‘Nelson Stepanyan’ pour son service. Auteur de plus de deux douzaines d’articles scientifiques, Simonyan est une figure influente dans le domaine de la recherche et de l’éducation en Arménie. Le 28 mai 2024, Simonyan a annoncé sa participation à la vie politique et la création d’un nouveau parti, le « Parti Républicain d’Arménie ». Cette initiative a été motivée par son constat que le gouvernement actuel ne parvenait pas à assurer la sécurité du pays et que les citoyens manquaient d’alternatives politiques. Il aspire à offrir une nouvelle voix aux Arméniens, fondée sur des principes de méritocratie et une idéologie de droite centriste, afin de répondre aux défis politiques et sociaux du pays.
1 – Pouvez-vous vous présenter et nous parler de votre parti politique en expliquant pourquoi vous l’avez créé maintenant ?
Je suis Gurgen Simonyan, politologue, candidat en sciences politiques, personnalité publique et homme politique.
Le 28 mai 2024, lors de la fête de la République, j’ai annoncé mon entrée en politique et le lancement des travaux pour la création d’une nouvelle force politique alternative.
En décembre 2023, lorsque le Premier ministre de la République d’Arménie, Nikol Pashinyan, s’est rendu en Russie et a pris la présidence de l’EAEU lors d’une réunion, j’ai compris de manière définitive que ce gouvernement n’était pas capable de mettre en œuvre des démarches politico-militaires logiques pour établir un nouveau système de sécurité en République d’Arménie. Ce constat m’a poussé à réévaluer mon activité publique et à chercher des alternatives, dans le but de soutenir et de faire partie des prochaines élections nationales de 2026. Après la première décade d’avril 2024, j’ai été convaincu que la situation politique interne de la République d’Arménie était catastrophique, que toutes les forces politiques existantes et la majorité des hommes politiques faisaient partie du même système vicié. J’ai réalisé que le citoyen arménien n’avait pas d’alternative, qu’il ne pouvait pas pleinement exercer son droit de vote et qu’il était contraint de faire régulièrement un choix entre le moindre mal et le plus grand mal.
S’appuyant sur des milliers d’appels publics et la volonté d’une multitude de centaines de milliers de soutiens, j’ai décidé de lancer moi-même les travaux pour établir cette force.
Le nom de la nouvelle force alternative a été choisi comme « Parti Républicain d’Arménie », le terme « république » étant la traduction directe en arménien de « méritocratie », qui signifie le pouvoir des méritants. Notre principe fondamental est à la base de notre parti. Le parti sera fondé sur une idéologie de droite centriste.
2 – Comme nous l’avons constaté, à la suite de votre interview vous avez été la cible de plusieurs forces politique qui se considèrent pro-occidental, quel est votre appréciation ?
Cette décision a été motivée par le contexte politique actuel, où ces forces sont conscientes que la population arménienne aspire à un rapprochement avec l’Occident. La « plateforme démocratique » se positionne comme la seule force capable de répondre à cette attente. Cette coalition de quatre partis politiques qui existent déjà depuis plusieurs années visent désormais à soutenir Nikol Pashinyan.
Il est évident qu’en cette période cruciale, Nikol Pashinyan, en tant que Premier ministre, n’a pas réussi à renforcer l’armée, repousse à redéfinir l’orientation politique de l’Arménie. Sa gestion n’a pas permis de mettre en place les mesures nécessaires pour assurer la sécurité nationale et adapter la politique du pays aux attentes de la population.
À mon sens, cela est inacceptable. Par conséquent, ces forces s’engageront résolument contre les partis politiques sains et pro-européens, qui sont constructif et déterminées à consolider les relations avec l’Europe. Cela nécessite avant tout un changement de gouvernement.
Car le pouvoir actuel n’est pas apte à assurer cette direction.
3 – Nous constatons que les médias arméniens présentent des lacunes en matière d’éthique journalistique. Quelles solutions envisagez-vous pour remédier à cette situation ?
On peut constater que les médias sont influencés par des orientations politiques. Le gouvernement exerce un contrôle discret sur une grande partie des médias, non pas de manière directe, mais en créant un climat qui décourage la neutralité des journalistes. Par exemple, la télévision publique arménienne ne convie plus les forces politiques qui aspirent à un changement de pouvoir. Je peux également faire référence à ma propre expérience, car la télévision publique ne m’invite plus depuis un certain temps.
Les autres médias liés directement au gouvernement ou à d’autres forces politiques pratiquent la calomnie et la diffamation après les interviews, ce qui me pousse à décliner leurs invitations.
Pour établir un véritable paysage médiatique en Arménie, il est essentiel d’exiger davantage en matière d’éthique dans la profession de journaliste. De plus, le financement des médias doit être indépendant des partis politiques ayant des objectifs spécifiques. En ce qui concerne la télévision publique, je pense que l’Occident doit s’assurer que le gouvernement n’interfère pas dans les médias au profit d’intérêts tiers.
J’estime que les médias publics doivent être rattachés à la cour constitutionnelle. L’une des modifications à apporter à la constitution doit concerner la neutralité, l’objectivité et l’équité. Nous constatons des lacunes à ce sujet et il est évident qu’un chef de parti peut exercer une influence sur les autorités de contrôle, la justice, ainsi que sur les médias.
4 – La Diaspora a l’impression d’être mise à l’écart par le gouvernement arménien sur des enjeux importants. À votre avis, qu’est-ce qui en est la cause ? Quelles mesures proposez-vous pour y remédier ?
Je crains fortement que le gouvernement actuel, qui prétend viser la paix, ait des engagements envers la Turquie et l’Azerbaïdjan qui pourraient marginaliser la diaspora arménienne. L’objectif principal semble être d’ignorer la question du génocide arménien, tant au niveau international qu’en ce qui concerne la reconnaissance par la Turquie.
Négliger des faits qui portent atteinte à la dignité nationale constitue une grossière erreur. Cela pourrait non seulement aliéner la diaspora, mais également engendrer la récurrence de ces événements. En Artsakh, nous avons été témoins des souffrances de nos concitoyens sur leur terre natale et de l’épuration ethnique.
Il est évident que le gouvernement adopte une approche qui fait abstraction des fondements de notre patrie, n’hésitant pas à effacer les symboles, l’Histoire, tout en rejetant nos attentes concernant le génocide. En conséquence, cela constitue un éloignement pour la diaspora. Pour saisir ce qui nous unit en tant qu’Arméniens, il est essentiel de reconnaître que chaque Arménien, où qu’il soit dans le monde, est aussi citoyen d’un autre pays et se mobilise autour d’une idée commune. Le gouvernement actuel semble dérober aux Arméniens leur idéologie. Cela se voit concernant la reconnaissance du génocide arménien mais également sur la question de l’Artsakh et tous les sujets qui lient la diaspora à l’Arménie.
Notre parti politique accorde une importance essentielle à la reconnaissance du génocide arménien. Nous croyons fermement qu’il est possible de défendre nos droits tout en établissant des relations diplomatiques avec la Turquie. Ces relations ne doivent pas nécessairement être amicales, mais doivent au moins reposer sur des échanges respectueux.
Dans le contexte actuel, il est temps d’impliquer la diaspora dans les affaires arméniennes en tant que ressources intellectuelles. Au-delà des contributions significatives qu’ils apportent à l’Arménie, il est important qu’ils se sentent pleinement chez eux, qu’ils sachent qu’ils ont une place en Arménie et qu’ils peuvent choisir de vivre ici quand ils le désirent. Cette question est particulièrement importante pour notre parti.
5 – Quels changements majeurs prévoyez-vous d’apporter si vous parvenez au pouvoir en 2026 ?
Si nous sommes élus lors des élections de 2026, nous procéderons à une réforme complète de la gouvernance. Nous veillerons tout d’abord à présenter le parcours de chaque personne nommée au sein de la gouvernance, en sélectionnant des individus en fonction de leurs compétences et de leur engagement envers la patrie. Nous inviterons toute personne désireuse de se porter candidate à des fonctions, qu’elle fasse partie de notre parti ou non, à se manifester.
Dans un délai de 7 mois, nous prévoyons de tenir un référendum pour des modifications de la constitution, suivi de la présentation des nouvelles dispositions constitutionnelles 4 mois plus tard. Avant le référendum, des groupes de travail seront constitués pour réfléchir aux éventuels autres modifications à apporter.
Nous proposerons trois stratégies : à long terme, à moyen terme et à court terme.
1. Nous mettrons fin à la présence de l’armée russe en Arménie.
2. Les frontières de l’Arménie seront exclusivement gardées par des frontaliers arméniens.
3. La République d’Arménie se présentera devant la Cour européenne d’arbitrage pour contester plus de 30 contrats avec la Russie qui freinent notre développement énergétique.
4. L’Arménie doit se retirer de l’Union économique eurasiatique (UEE), de l’Organisation du Traité de Sécurité Collective (OTSC) et de la Communauté des États Indépendants (CEI). Nous devons postuler pour intégrer l’Union européenne, travailler à établir un pacte militaire avec la France, et devenir un allié des États-Unis dans notre région. Nous envisageons également de demander à rejoindre le traité de l’Atlantique Nord.
5. Nous mettrons en œuvre des réformes pour renforcer notre doctrine de sécurité nationale et améliorer notre armée grâce à des formations approfondies en collaboration avec l’OTAN.
6. Nous apporterons des modifications aux taxes douanières pour faciliter les échanges commerciaux à l’international.
7. Nous défendrons les droits des Arméniens d’Artakh auprès des instances internationales compétentes, afin que justice soit faite concernant l’épuration ethnique des Artsakhiotes par l’Azerbaïdjan. Le traité de Rome, ratifié par l’Arménie, nous permet de soumettre ces demandes.
8. Nous renforcerons nos relations avec la Géorgie et l’Iran pour servir de lien entre l’Iran et l’Occident, tout en veillant à être perçus comme un pays allié de l’Occident, tout en protégeant nos intérêts nationaux.