Dans le contexte des événements en Syrie, certains cercles politiques internes et analystes en Arménie établissent des parallèles en affirmant que la Turquie pourrait appliquer le même scénario en Arménie.

“Haykakan Zhamanak” s’est entretenu avec Karen Hovhannisyan, expert militaire, pour recueillir son avis sur la question.

– M. Hovhannisyan, à la lumière des récents événements en Syrie, certains cercles politiques internes et analystes avancent que la Turquie pourrait appliquer un scénario similaire en Arménie, et certains médias écrivent même des titres en ce sens. Dans quelle mesure cette idée est-elle pertinente, et y a-t-il des similitudes entre l’Arménie et la Syrie ?

• Ceux qui avancent de tels récits ont, dans une large mesure, un problème de moralité. D’un point de vue analytique et professionnel, il faut dire qu’il n’y a absolument aucune corrélation entre les questions syrienne et arménienne, ou arabe et arménienne. En Syrie, la Turquie poursuit des objectifs totalement différents et résout des problèmes distincts. Comparer la Syrie et l’Arménie reflète un manque de professionnalisme chez les analystes ou experts.

Certains de ces soi-disant experts semblent être dirigés par un centre unique qui cherche à répandre la peur en disant que la Turquie pourrait agir de telle manière si nous ne devenons pas des “clients” de ce centre. Dans ce cas précis, ce sont généralement des récits pro-russes qui propagent de telles thèses. Pourtant, il est clair que la question arabe est d’une importance capitale pour la Turquie, et ce n’est pas nouveau qu’elle soit intervenue en Syrie.

– On parle moins d’une attaque directe de la Turquie que d’une action menée par son intermédiaire, l’Azerbaïdjan, notamment pour obtenir le fameux “corridor”. Quelle est la probabilité que l’Azerbaïdjan attaque l’Arménie à ce stade ?

• Les tendances et actions de l’Azerbaïdjan n’ont pas changé depuis 2020 concernant le soi-disant “corridor de Zanguezour”. Cependant, à ce stade, comme nous sommes en pleine phase de discussions sur un traité de paix, bien que je sois certain que cet accord ne sera pas signé tant qu’aucune sanction concrète ne sera imposée à l’Azerbaïdjan, je pense néanmoins que ni l’Azerbaïdjan ni la Turquie ne recourront à des actions militaires pour obtenir ce “corridor”. L’Iran reste également un facteur dissuasif.

– Un autre récit dans notre société est le suivant : “Sans la Russie, la Turquie nous ‘mangera’”. Autrement dit, si nous nous éloignons de la Russie, ce qui s’est passé en Syrie pourrait aussi se produire chez nous.

• La Russie était en Syrie lorsque la Turquie est intervenue et a “mangé” le Syrien, et des bases militaires russes étaient également présentes. Le problème n’est pas de savoir si “sans la Russie, la Turquie nous ‘mangera’”, mais que si nous sommes faibles, la Turquie nous ‘mangera’ certainement. Il ne faut pas mettre la société face à un faux dilemme : “si ceci n’est pas là, cela arrivera”. Pour éviter que quiconque ne nous “mange”, nous devons établir des relations de bon voisinage avec tous, y compris avec la Russie, sans pour autant dépasser les limites. Par cela, je veux dire que si notre économie est entièrement remise à la Russie, elle nous utilisera comme une monnaie d’échange.

– Récemment, la Turquie a adopté un ton optimiste à propos de la normalisation arméno-turque et arméno-azerbaïdjanaise. À quoi est due cette tendance ?

• Les déclarations de la Turquie n’ont aucune valeur réelle. Cependant, les relations Turquie-Arménie sont directement liées aux relations Arménie-Azerbaïdjan. On ne peut pas analyser séparément ces relations. Par exemple, la Turquie a annoncé ce printemps être prête à dialoguer avec Assad, mais qu’est-il advenu ? Cela montre que l’amitié avec la Turquie ne garantit pas la paix dans la région. Les déclarations de paix de la Turquie ne visent qu’à montrer à l’Occident qu’elle soutient un traité de paix entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Pourtant, je suis sûr que la Turquie empêche activement cet accord, car c’est elle qui a besoin de ce “corridor” pour ses propres objectifs stratégiques.

– Quelles devraient être nos actions pour neutraliser ces menaces, et quel rôle doit jouer notre diplomatie ?

• Premièrement, nous devons soit normaliser nos relations avec la Turquie, soit clarifier notre position. Mais cela n’est pas possible directement face à face, car la Turquie utilise ses propres récits et parle en termes de chantage. C’est pourquoi il nous faut un médiateur fort, capable d’influencer la Turquie.

Plus la pression sur la Turquie et l’Azerbaïdjan sera forte, plus il sera probable que nos relations se normalisent et que disparaissent les récits de chantage qui nous effraient constamment.

By Raffy

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *