Des critiques provenant de la Russie affirment que les autorités arméniennes ne reflètent pas le point de vue du peuple arménien, qui souhaite rester aux côtés du peuple russe, et les accusent d’être pro-européennes.
Lilit Dallakyan
Voici la contribution de Lilit Dallakyan, avocate et politologue, pour le site « Mer Oughin ».
Le 20 juin 2024, une plateforme de forces démocratiques dirigée par quatre partis a organisé une conférence sur la question du référendum concernant l’adhésion de l’Arménie à l’Union européenne. Ce même jour, des auditions sur le même sujet ont eu lieu au Parlement. Les discours des députés du parti « Contrat Civil » ont révélé la position du gouvernement arménien sur la question. Ils ont essentiellement accusé les quatre partis initiateurs de présenter une initiative non réfléchie et risquée, ignorant les dangers potentiels venant de la Russie et sapant les relations avantageuses de l’Arménie avec l’Union économique eurasienne (UEE). Au lieu d’un discours substantiel, le public arménien a été témoin d’échanges de blâmes et de débats qui se sont transformés en un spectacle au Parlement.
Face aux réactions négatives du public envers les discours et le comportement des députés au pouvoir, ces derniers ont commencé à déclarer après les auditions qu’ils n’étaient pas opposés à l’adhésion de l’Arménie à l’UE, mais que ce n’était pas le moment opportun. Certains ont même suggéré que la question pourrait être soumise à référendum lors des élections parlementaires de 2026. Tout est devenu clair après la réponse du Premier ministre arménien, Nikol Pachinian, à une question d’un des leaders des quatre partis. En substance, le Premier ministre a indiqué qu’il connaissait l’avis des citoyens arméniens sur cette question et qu’il ne considérait pas approprié de tenir un référendum, car il ne savait pas quelles questions pourraient être posées durant une campagne, notamment si l’UE attendait l’Arménie ou non. Après cette réponse, certains des initiateurs ont accusé les autorités arméniennes de tromper le public et de contrecarrer la volonté populaire, tandis que d’autres ont commencé à expliquer que l’Arménie n’était pas encore prête à rejoindre l’Europe, car elle n’avait pas rempli ses engagements envers l’UE, notamment en ce qui concerne la lutte contre la corruption. Il est possible que l’UE ne soit pas prête à nous accueillir pour le moment et n’ait pas l’intention de s’élargir.
Il est intéressant de noter que quelques jours plus tard, le Parlement européen a adopté une résolution spéciale sur les relations entre l’Union européenne et l’Arménie, avec un vote de 504 pour et 4 contre. Selon cette résolution, si l’Arménie est intéressée à obtenir le statut de candidat et poursuit ses réformes, cela pourrait servir de base pour la phase de transformation des relations Arménie-UE.
Sur les plateformes d’information, une opinion circule selon laquelle le Premier ministre Nikol Pachinian n’est pas contre le développement des relations entre l’Arménie et l’UE, mais que tout n’est pas aussi clair au sein de son équipe, et que sous la pression, le Premier ministre a renoncé à sa décision antérieure.
En tant que politologue indépendante, j’ai participé aux auditions au Parlement et exprimé mon avis selon lequel ce référendum montrera la volonté et le point de vue du peuple arménien sur le système de valeurs auquel il adhère et s’il souhaite rester dans une alliance avec des pays dont le système de gestion et de valeurs est étranger et qui, en substance, sont des alliés de l’Azerbaïdjan, même en l’armant contre l’Arménie, ce qui constitue une insulte au peuple arménien. Il convient de noter que certains membres de l’UEE sont également membres de l’Organisation du Traité de sécurité collective (OTSC).
De plus, j’ai souligné que ce référendum est avant tout nécessaire pour les autorités arméniennes, car lorsqu’elles critiquent la Russie pour sa politique non amicale, des évaluations en Russie affirment que les autorités arméniennes ne reflètent pas le point de vue du peuple arménien, qui souhaite rester aux côtés du peuple russe, et les accusent d’être pro-européennes.
Je souhaite également aborder brièvement certains points mentionnés précédemment :
- Les relations Arménie-UE et les tâches nécessaires à accomplir sont régulées par un document nommé CEPA. Les personnes responsables de ce processus doivent fournir un rapport sur les travaux effectués pour clarifier si l’UE ne nous attend pas et retarde le processus ou si nous n’avons pas rempli nos tâches. Il est important de préciser les délais pour la réalisation des obligations prises par l’Arménie, après quoi il serait nécessaire de demander le statut de candidat, selon la résolution adoptée par le Parlement européen.
- Avant de décider de tenir un référendum, il est essentiel de présenter au public arménien les avantages et les risques de l’adhésion à l’UE, ainsi que l’ensemble du processus complexe de réformes nécessaires pour une approche plus proche de l’UE. Cela permettra au peuple arménien d’avoir une vision claire de ce que signifie l’adhésion à l’Union européenne, et d’éviter les illusions sur la facilité et l’absence de risques du processus.
- Le référendum ne doit en aucun cas être organisé en parallèle avec les élections parlementaires afin d’éviter son utilisation à des fins de propagande.
Il est nécessaire de mettre de côté les approches binaires sur la scène internationale. Aujourd’hui, l’Azerbaïdjan, bien qu’il ne soit pas membre de l’UEE, entretient une large coopération économique avec les membres de cette organisation, notamment la Russie. Cela montre qu’il est possible de maintenir des relations économiques avantageuses même sans être membre de l’organisation. Pour Moscou, les organisations économiques servent également d’outil politique. Le Premier ministre a également souligné cela lorsqu’il a déclaré lors du sommet de l’UEE qu’il ne fallait pas politiser cette organisation. Il est connu que lorsque l’Arménie tente de mener une politique indépendante, la Russie menace souvent de fermer le poste-frontière de Verkhniy Lars, de perturber les opérations de la centrale nucléaire, et d’exercer un chantage énergétique sur Erevan. D’un autre côté, l’intensification de l’antagonisme entre l’Occident et la Russie renforce encore les politiques de sanctions contre la Russie, et des lignes rouges plus claires seront mises en place pour éviter que les sanctions russes ne soient contournées, ce qui rendrait notre adhésion actuelle à l’UEE moins avantageuse. L’Arménie doit mener une politique de diversification, notamment dans le domaine économique, car il s’agit d’une question de sécurité nationale. La réunion de Bruxelles du 5 avril visait principalement à réduire la dépendance à la Russie. Il est nécessaire d’avoir un dialogue sincère pour comprendre dans quels domaines l’UE peut soutenir la République d’Arménie et ce qu’elle attend en retour. Aujourd’hui, plus que jamais, il est crucial pour l’Arménie d’assurer une diversification économique, militaire et politique afin de ne pas devenir une monnaie d’échange dans les conflits géopolitiques.