Jacques Raffy Papazian
Président du Mouvement Arménien

Cette semaine, l’actualité arménienne a été marquée par le rassemblement de Nikol Pashinyan à Hovhannavank, autour de Ter Aram, ce prêtre destitué pour désobéissance face à l’autorité religieuse.
La situation est complexe car il faut profiter de l’occasion pour destituer un agent du KGB, mais surtout pas le remplacer par un autre encore pire.

Ter Aram avait du courage en désobéissant, mais il a gâché ce courage en appelant à un chef d’État à l’image de Kadyrov — un homme de Poutine, symbole du système totalitaire russe.
L’Arménie ne doit pas renoncer à sa démocratie pour se soumettre à un tel modèle.
Elle ne doit pas remplacer un Catholicos agent du KGB par un Catholicos encore plus autoritaire.
L’Arménie a besoin d’un homme d’Église qui répande la foi, qui incarne les valeurs morales et spirituelles arméniennes, et non l’Église de la Bentley, de l’argent, des femmes et enfants cachés et du pouvoir qu’a instaurée Garegin II.

Ce spectacle politique et religieux est dégradant. Les vidéos scandaleuses de proches de Garegin, lavés nus par la femme de leur oncle, sont à l’image de cette Église déchue, devenue celle du pouvoir et de la compromission. Ces dérives spirituelles ternissent la foi du peuple et alimentent la défiance envers les institutions.

Une Église sous emprise et une diaspora menacée

En diaspora aussi, le danger est réel.
Des projets de transfert des actes de propriété des églises vers Etchmiadzin sont en cours.
Même si Garegin est destitué, ces projets risquent de continuer si nous, diaspora, restons silencieux.
Certaines églises ont déjà été transférées.
Ce serait une erreur historique de livrer les biens spirituels et communautaires de la diaspora à un siège patriarcal corrompu.
Ne tombons pas dans ce piège.

Une justice instrumentalisée

Les récentes arrestations de maires et de religieux, notamment celle du maire de Gyumri impliqué dans la contrebande, posent question.
Oui, les criminels doivent être jugés, mais le calendrier de ces arrestations, qui coïncide avec celui des élections, laisse craindre une instrumentalisation politique de la justice.
Les peines sont provisoires, les procès médiatisés : tout cela donne l’impression d’un théâtre politique, pas d’un État de droit.

Une Arménie à la croisée des chemins

D’après la Constitution actuelle, le parti arrivé en tête au second tour des législatives obtient automatiquement la majorité des sièges.
Ainsi, même avec moins de 50 % des voix, Nikol Pashinyan pourrait être réélu.
La multiplication des candidats d’opposition ne fait que renforcer cette probabilité.

Mais la véritable bataille ne se jouera pas aux législatives : elle se jouera lors du référendum constitutionnel à venir.
C’est ce référendum qui sera la claque à infliger à Aliyev et à tous les ennemis de l’Arménie.
Ce sera la véritable épreuve démocratique, et la diaspora devra y prendre part.

La fin d’un système épuisé

Il ne faut pas oublier que ceux qui sont assis sur leur siège depuis plus de vingt ans sont responsables de la situation actuelle.
Ils ne sont pas la solution.
Ceux qui prétendent être la « mer » de l’Arménie ne sont ni la mère, ni le père : ils sont la défaite morale en personne.
Ils se sont enrichis sur cette défaite et continuent de s’y accrocher.
Ils doivent être désignés, puis destitués, au même titre que ceux en place.
Le peuple doit reprendre la parole et choisir son avenir.

Le choix de la liberté

Il existe une troisième voie : celle de la force, celle du courage politique, celle de la sortie des alliances avec la Russie, celle du rapprochement avec l’Union européenne, et celle de l’installation d’une base américaine pour garantir la sécurité nationale.

Tant que l’Arménie restera l’alliée de la Russie, la situation demeurera dangereuse.
Oui, l’Occident a sécurisé la frontière arméno-iranienne, mais attention : nous risquons d’être coupés en deux, avec une Russie contrôlant le Nord et les États-Unis le Sud.
Chacun des deux blocs a déjà atteint ses objectifs sécuritaires.
À nous, désormais, de saisir les occasions géopolitiques, car personne ne le fera à notre place.

Une tragédie humaine

Enfin, concernant le tragique suicide du fils de Hrant Markarian, au-delà des clivages partisans, j’adresse mes condoléances sincères à Hrant Markarian et à sa famille.
La perte d’un fils est une tragédie humaine qui dépasse toutes les divisions politiques.
C’est avec respect pour cette douleur que je formule mes réserves sur la version officielle du suicide, sans oublier l’aspect profondément humain de cette épreuve.

Retrouver la lumière

Je comprends la lassitude du peuple arménien, celle de la diaspora et des fidèles de l’église.
Cette guerre hybride, ces scandales successifs, cette désinformation permanente visent à démoraliser le peuple.
Mais c’est justement là que réside le piège : l’ennemi veut nous maintenir dans la négativité, dans l’épuisement moral et la confusion.

Il est temps de retrouver la lumière.
De cultiver le positif, de nourrir la foi et l’espérance, d’organiser notre peuple et de nous mettre au travail.
Car cette asphyxie nous maintient dans l’immobilisme — un immobilisme entretenu par les dirigeants en place, par les soi-disant élites, qu’elles soient de diaspora ou d’Arménie.
La vraie force viendra de notre capacité à briser cet immobilisme, à retrouver la confiance collective, et à construire un avenir sur nos valeurs, notre courage et notre action.

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