Par la rédaction d’Arménie Info
Le CCAF a annoncé une « réforme historique » censée ouvrir une nouvelle ère démocratique et participative. Le discours est séduisant : élections au suffrage universel, transparence et modernisation du fonctionnement.
Mais à la lecture des documents officiels adoptés lors des assemblées générales des 15 juin et 11 septembre 2024, la réalité apparaît bien différente.
Arménie Info publie et analyse ces textes — statuts, règlement électoral et charte de gouvernance — pour révéler un système qui, loin d’instaurer la démocratie, verrouille le pouvoir entre les mains d’un cercle restreint.
Un suffrage universel tronqué
L’article 7.1 des statuts du CCAF définit la composition du Conseil national :
« Le Conseil national est composé de trente (30) conseillers désignés par les CCAF régionaux et de dix (10) à quinze (15) conseillers élus par les adhérents individuels. »
Autrement dit, les associations historiques conservent trois quarts des sièges sans passer par le vote.
Le “suffrage universel” ne concerne qu’un quart du Conseil national — une minorité sans pouvoir décisionnel.
Le résultat est donc connu d’avance : même si les électeurs individuels se mobilisent, ils ne pourront pas modifier la majorité ni infléchir la ligne politique du CCAF.
La réforme n’introduit pas la démocratie, elle l’imite.
Un scrutin sous contrôle
Le règlement électoral, adopté le 11 septembre 2024, stipule sans ambiguïté :
« Le Bureau national est chargé de l’organisation des opérations électorales et du dépouillement des votes. »
Le même organe qui détient le pouvoir contrôle donc toutes les étapes du scrutin : calendrier, validation des candidatures, liste électorale, et proclamation des résultats.
Aucune instance indépendante n’est prévue pour surveiller ou certifier la régularité du vote.
Le règlement précise encore que la Commission électorale, censée garantir la neutralité du processus, est composée de :
« cinq (5) personnes, dont trois désignées par le Conseil national et une par chacun des CCAF régionaux. »
Cette composition exclut toute véritable indépendance : les contrôleurs sont choisis par les contrôlés.
Candidatures filtrées et verrouillage du débat
L’article 3 du règlement électoral est explicite :
« Chaque candidat doit être parrainé par au moins deux organisations membres d’un CCAF régional. »
Cette clause élimine de fait toute candidature indépendante.
Un adhérent individuel ne peut se présenter qu’avec l’aval de structures déjà intégrées au système — autrement dit, avec la bénédiction de ceux qui tiennent le pouvoir.
De plus, la charte de gouvernance, adoptée à la même date, précise que toute fonction élective au sein du CCAF est soumise à l’adhésion à cette charte, rédigée et votée par le Conseil national lui-même.
Ce dispositif sert de filtre politique : seuls les candidats jugés conformes à la ligne du CCAF peuvent concourir.
Une gouvernance fermée et cooptée
La “commission de conciliation”, censée garantir la neutralité des décisions internes, est elle aussi désignée par le Conseil national.
Les membres peuvent être cooptés par le Bureau national, et leurs décisions ne sont soumises à aucun contrôle externe.
Même les mécanismes internes censés arbitrer les différends restent sous tutelle du pouvoir central.
Ainsi, la “réforme” du CCAF, loin d’instaurer un fonctionnement démocratique, renforce la centralisation et verrouille les contre-pouvoirs.
Une illusion démocratique
Sous couvert de modernisation, la réforme du CCAF établit un modèle où :
seuls 25 % des sièges sont ouverts à une élection ; les candidatures indépendantes sont impossibles sans parrainage d’associations existantes ; la commission électorale et la commission de conciliation sont désignées par les dirigeants ; le Bureau national organise, supervise et proclame les résultats du vote.
Ce système, présenté comme un pas vers la démocratie, constitue en réalité un dispositif de maintien du pouvoir.
Une représentation confisquée
Le CCAF se présente comme l’organe représentatif de la diaspora arménienne de France.
Mais comment parler de représentation quand la majorité des sièges est attribuée sans élection, et que le reste du processus est encadré par ceux qu’il concerne ?
La réforme annoncée n’ouvre pas le CCAF : elle le referme sur lui-même.
Elle offre à la direction sortante une légitimité de façade sans lui imposer le moindre renouvellement.
En conclusion
La “réforme” du CCAF est un écran de fumée démocratique.
Sous un vocabulaire d’ouverture et de modernisation, elle consacre la conservation du pouvoir, l’absence de pluralisme et la délégitimation du vote individuel.
Les électeurs participeront à un scrutin dont les résultats sont déjà connus, pour désigner un porte-parole sans pouvoir réel.
Les 30 associations fondatrices garderont la majorité, le bureau actuel en conservera la maîtrise, et la démocratie restera, comme souvent, un mot commode — mais vide.
Documents officiels publiés par Arménie Info
Statuts du CCAF National – adoptés le 15 juin 2024, mis à jour le 1er février 2025 Règlement électoral du CCAF – adopté le 11 septembre 2024 Charte de gouvernance du CCAF – adoptée le 11 septembre 2024
Ces documents sont rendus publics pour que chacun puisse vérifier par lui-même la nature réelle de cette réforme et juger de sa prétendue “ouverture démocratique”.

