Réponse à l’édito d’Ara Toranian

Par Jacques Raffy Papazian, président du Mouvement Arménien

Le 4 septembre 2025, Ara Toranian a publié dans La Règle du Jeu un éditorial intitulé « Arménie : la responsabilité de l’Europe et de la France ». Dans ce texte, il accuse Paris et Bruxelles d’avoir abandonné l’Arménie, comparant leur fermeté pour l’Ukraine à leur silence pour Erevan.

Mais cette lecture est biaisée et profondément injuste.

Vous comparez l’Ukraine et l’Arménie comme si leurs situations étaient identiques. C’est faux. L’Ukraine n’a jamais fait partie d’une alliance militaire. Elle a dû se défendre seule et arracher le soutien occidental après l’agression russe. L’Arménie, elle, était membre de l’OTSC, alliance dominée par Moscou, censée lui assurer une protection automatique. Or, quand Bakou a attaqué, la Russie n’a rien fait. Voilà la différence fondamentale : l’Ukraine n’avait pas d’alliance, l’Arménie en avait une — et elle a été trahie.

Les faits sont connus : les troupes russes déployées au Haut-Karabakh comme “forces de maintien de la paix” n’ont pas levé le petit doigt lors du blocus du corridor de Latchine en 2023. Elles n’ont pas davantage bougé lors de l’offensive de septembre, qui a provoqué l’exode total de la population arménienne. C’est sous leur regard que l’Artsakh a disparu. Et souvenons-nous des postes de contrôle de Chouchi, où les drapeaux turcs, azéris et russes flottaient côte à côte : l’image même d’une connivence contre l’Arménie.

Et pourtant, dans votre texte, aucune critique de Moscou. Aucune dénonciation de cette trahison flagrante. Vous concentrez vos attaques sur l’Occident, alors que la responsabilité première incombe à l’allié de toujours : la Russie. Pourquoi ce silence ? Pourquoi cette complaisance ?

Le Premier ministre Nikol Pashinyan lui-même a reconnu que se reposer uniquement sur Moscou a été une erreur stratégique. C’est pourquoi l’Arménie a gelé sa participation à l’OTSC, cessé ses contributions, repris le contrôle de ses frontières et signé un accord stratégique avec les États-Unis. L’avenir de l’Arménie est désormais tourné vers l’Europe et l’Occident, parce que Moscou a démontré qu’elle n’était pas un protecteur, mais un fossoyeur.

La vérité est simple : si l’Arménie a perdu l’Artsakh, ce n’est pas parce que Bruxelles ou Paris se sont tus, mais parce que Moscou a choisi de se taire — et surtout parce que Moscou a décidé de livrer l’Artsakh à l’Azerbaïdjan en échange d’un contrôle sur le Syunik. Un calcul cynique qui a échoué : la Russie a perdu à la fois l’Artsakh, le Syunik et l’Arménie.

Partager : Facebook · X · WhatsApp · Telegram