« Il n’existe aucune explication claire sur ce qu’est le territoire de l’‘Arménie réelle’, ni sur les éléments ou caractéristiques de cette esthétique, ni sur les moyens à utiliser pour l’établir. Le document ne répond à aucune de ces questions. Il se contente d’annoncer la construction d’une ‘Nouvelle Arménie réelle’, qui nécessiterait une nouvelle esthétique, alors que les conséquences historiques d’une telle décision pourraient s’avérer fatales pour l’Arménie », a déclaré le compositeur et chanteur Vahan Artsruni dans une interview accordée à Factor TV. Il réagissait au projet de décision du gouvernement sur le concept de « localisation et soutien de l’esthétique de l’Arménie réelle », actuellement soumis à discussion publique sur la plateforme e-draft.
Selon lui, le gouvernement doit clairement indiquer quelles valeurs il entend défendre et lesquelles il souhaite abandonner. « Nous voyons que l’esthétique forgée au cours des trente dernières années, notamment dans le domaine musical, reste en vigueur. Les artistes mis en avant hier le sont encore aujourd’hui, présentés comme figures de mérite. On les retrouve même aux festivités de Pashinyan. Je ne constate aucun changement esthétique », a-t-il souligné.
Artsruni insiste sur la nécessité d’élaborer un véritable concept esthétique, mais déplore l’absence de précision sur les ressources culturelles mobilisées. Il estime que la démarche de Pashinyan repose sur des renoncements : « Je veux comprendre ce que le Premier ministre entend par ‘problèmes esthétiques’. Il doit l’expliquer, le définir, afin que nous, artistes et créateurs, nés dans cette réalité culturelle, sachions comment agir. Ni sous Levon Ter-Petrosyan, ni sous Kocharian, ni sous Sargsyan, le ministère de la Culture n’avait formulé de telles définitions. Désormais, nous avons un document clair. Dans ses prolongements, je veux voir si tout ce à quoi je me suis consacré pendant des décennies sera reconnu comme partie de l’esthétique de l’‘Arménie réelle’ ou rejeté. Cela me permettra, comme à beaucoup d’autres artistes, d’abandonner certaines illusions. »
Le compositeur fait également référence à la discussion récente entre Nikol Pashinyan et des acteurs après la représentation de Tzankapat. « J’y vois le début d’une censure. Les bureaucrates appuieront l’adoption de cette nouvelle esthétique de l’‘Arménie réelle’, et tout l’appareil surveillera le champ culturel, en particulier les artistes liés aux structures publiques. Cela aura des conséquences désastreuses. Beaucoup de bureaucrates, incapables d’aborder le problème en profondeur, seront contraints d’appliquer une politique imposée », a-t-il averti.
Anna Babajanyan
— Arménie Info