Éditorial – Jacques Raffy Papazian

Ne pas adhérer à l’UE : un choix mortifère pour l’Arménie

Le Premier ministre a récemment évoqué la possibilité que l’Arménie ne devienne pas membre de l’Union européenne. Derrière ces mots se cache un danger bien réel : maintenir notre pays sous l’influence directe de la Russie.

Certes, un progrès a été accompli récemment avec le projet TRIPP — un accord signé à Washington entre les États-Unis, l’Arménie et l’Azerbaïdjan, visant à sécuriser la frontière arméno-iranienne et à réduire la dépendance envers Moscou. Mais croire que cette avancée suffira pour protéger notre avenir serait une illusion. L’Arménie vit aujourd’hui dans un faux équilibre : un pied à Moscou, un autre tourné vers l’Occident.

Et ne pas rompre avec l’alliance militaire russe, ce n’est pas rester neutre. C’est rester prisonnier de Moscou. Voilà le vrai danger : voir un pays littéralement coupé en deux. Au nord, des forces totalitaires inféodées à la Russie ; au sud, une zone sous influence occidentale, présentée comme démocratique. Dans un tel scénario, le peuple arménien pourrait être contraint d’émigrer vers l’Iran pour poursuivre, ailleurs, son œuvre civilisationnelle démocratique. Mais l’État, lui, disparaîtrait.

Ce danger est renforcé par une offensive insidieuse : l’effacement de nos symboles. Effacer l’Ararat et nos repères, c’est tenter d’effacer l’idéologie arménienne elle-même. Or, l’Arménie porte une idéologie libertaire et démocratique, héritée du mythe fondateur de Hayk et enracinée dans nos valeurs chrétiennes. Elle est aussi l’héritière spirituelle d’un peuple descendant de Noé, dépositaire de l’Ararat et porteur d’une mission universelle. Ces fondements ne doivent jamais être sacrifiés.

Pourtant, la majorité comme l’opposition sabotent ces processus libérateurs par leur vision à court terme. Le cas de l’Artsakh (Haut-Karabakh) en est un exemple. On présente aujourd’hui comme impossible le retour des Arméniens sur cette terre, alors que l’Occident y voit un moyen de démocratiser l’Azerbaïdjan. Un projet repris par des groupes déjà discrédités, en Arménie comme dans la diaspora, se retourne contre la cause qu’il prétend défendre.

Nikol Pachinian a déclaré que l’adhésion à l’Union européenne ne pourrait avoir lieu que par référendum. Ce choix civilisationnel doit en effet revenir au peuple, mais il ne peut être dilué dans des réformes constitutionnelles. La question doit rester simple et directe : l’Europe ou la Russie.

La mobilisation prouve que ce choix est attendu : 60 000 signatures ont déjà été recueillies en faveur de l’Europe, en seulement quatre semaines. L’Arménie peut en réunir 300 000 en trois mois et imposer ce référendum. Et si le Premier ministre affirme que des forces extérieures imposent des réformes, il doit se souvenir que le peuple pourrait, lui aussi, imposer sa volonté de l’intérieur.

Au moment où j’écris ces lignes, Nikol Pachinian se trouve en Russie, pour discuter avec des responsables de coopération militaire, de sécurité régionale et d’échanges commerciaux. Une visite perçue comme un signal de réchauffement avec Moscou, dans un contexte déjà marqué par de fortes tensions.

Et puis il y a le sang versé. Le meurtre du maire Volodya Grigoryan est un signal glaçant. Chaque fois que la violence frappe, ce n’est pas seulement une vie qui s’éteint : c’est la démocratie arménienne elle-même qui vacille.

Mais l’avenir n’est pas écrit. Refuser de choisir, c’est ouvrir la voie au chaos. Choisir l’Europe, c’est choisir la liberté, la dignité et la continuité de notre civilisation.

L’heure est venue d’un choix sans détour : l’Europe et la civilisation, ou la soumission aux ténèbres totalitaires.

« Une paix sans choix n’est qu’une illusion qui prépare le chaos. »

— Arménie Info

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