Sortie du documentaire « la Caviar Connection »
Du Turkménistan à Azerbaïdjan en passant par le Kazakhstan, une investigation en 2 épisodes est sortie hier 21 septembre sur Arte (vidéo en bas de l’article). La Caviar Connection révèle comment les dictatures d’Asie Centrale et du Caucase, Azerbaïdjan en tête, blanchissent leur réputation et leur violations des droits de l’Homme en achetant des stars internationales et des politiciens occidentaux. Mais aussi comment une coalition de journalistes d’investigation a riposté…
Dans des dictatures pétrolières du pourtour de la mer Caspienne, des citoyens courageux cherchent l’aide de l’Occident. Mais il doivent affronter le pouvoir de l’argent. Leur combat pour la démocratie va révéler un scandale de corruption internationale au coeur des institutions européennes.
Révélée par une dizaine de journaux internationaux dont Le Monde en septembre 2017, la « diplomatie du caviar » est la stratégie de lobbying de l’Azerbaïdjan. Ironiquement, l’expression proviendrait des plaisanteries de fonctionnaires azerbaïdjanais eux-mêmes.
La méthode est aussi simple que coûteuse. Elle consiste à inviter des politiciens et employés d’organisations internationales, les couvrir d’honneurs, d’égards et de pittoresques offrandes. Deux kilogrammes de caviar noir, c’est l’usage (le marché le porte à 1300 euros l’unité), mais également tapis de soie, joaillerie, et bien sûr appointements divers. Mallettes remplies d’espèces, transferts via des sociétés offshore, montres en or…
En secret, le régime d’Azerbaïdjan a versé des millions à des politiciens européens, attendant en retour des vents favorables à son endroit, complaisance et cécité pour ses manquements aux droits humains élémentaires, ses humeurs belliqueuses et brutales, ses revendications délirantes. Il va sans dire que sans ses obligés, le régime Aliyev ferait l’unanimité contre lui.
Il est humain, après tout, que la vénalité ou l’ego entraîne certains députés et sénateurs à se faire les véhicules des stratégies d’influence de tel ou tel régime despotique. Le déshonneur, en somme.
Pour prendre un exemple dans la politique Française, le 24 juillet dernier, une délégation du groupe interparlementaire d’amitié France-Azerbaïdjan s’est rendue à Aghdam, incluant Jérôme Lambert, vice-président , Jean-Luc Reitzer, secrétaire général, les députés Sandrine Mörch, Frédérique Dumas et Carole Bureau-Bonnard. Cette dernière, députée de l’Oise, en était à son deuxième vol pour Bakou cette année. Elle aurait « félicité le peuple azerbaïdjanais pour la libération de ses terres », selon des médias locaux.
Pour la dose d’humour, on peut même rapporter que le représentant de Bakou à Paris, Rahman Mustafayev, s’est plaint auprès du cabinet de Richard Ferrand de l’inaction du député Pierre-Alain Raphan (LREM), président du groupe d’amitié parlementaire. […] C’était en novembre 2020.
A l’Assemblée Nationale le groupe d’amitié France-Azerbaïdjan agit de concert avec l’Association des amis de l’Azerbaïdjan (l’AAA), avec un attrait aussi peu contenu pour les esturgeons de la Caspienne.
Toujours selon l’article du Monde de septembre 2017, en France, l’AAA est le principal instrument de la diplomatie du caviar. Créée par l’ancien député Jean-François Mancel, l’association compte dans son conseil d’administration les parlementaires (français ou au parlement européen) Jean-Marie Bockel, Rachida Dati, Nathalie Goulet, Thierry Mariani et André Villiers. Par ailleurs, Mancel témoigna un jour à L’Express que l’Azerbaïdjan était un « extraordinaire modèle de tolérance et de respect de l’autre ».
Si c’était encore à éclaircir, contrairement à la grande démocratie de Bakou, l’élan de solidarité parlementaire envers l’Arménie n’a demandé aucun fonds. Erevan n’a pas assez de rentes pour monnayer la candeur des parlementaires européens à son égard.