Par Lianna Torosyan, journaliste de MediaHub

-Cher Monsieur Papazian,

Il y a quelques jours, le Mouvement Arménien de France a lancé un appel à Emmanuel Macron pour qu’il active la fourniture d’armes à l’Arménie. Nous sommes curieux de connaître la réponse que vous avez obtenue à ce sujet. Peut-on s’attendre à ce que Macron réponde favorablement à cette demande et prenne des mesures concrètes pour soutenir l’Arménie ? Votre expertise et votre point de vue sur cette question sont très appréciés.

À ce jour, nous n’avons pas reçu de réponse écrite de la part du président de la République, Emmanuel Macron, concernant l’appel du Mouvement Arménien de France à activer la fourniture d’armes à l’Arménie. Cependant, nous pouvons interpréter la visite du ministre de la Défense, Suren Papikyan, en France comme une première réponse à notre demande. De plus, nous avons remarqué que les déclarations du service de presse du département de la Défense d’Arménie soulignant le renforcement récent de la composante militaire des relations arméno-françaises et la volonté des parties d’intensifier cette composante correspondent parfaitement à notre demande. Maintenant, il reste à voir comment cela va se concrétiser et évoluer dans les faits. Nous espérons que le président Emmanuel Macron répondra favorablement à notre appel et prendra des mesures concrètes pour soutenir l’Arménie.

– D’après vous , comment vos déclarations pourraient aider la République d’Arménie et de l’Artsakh ?

En tant qu’Arméniens de la diaspora, notre rôle est de faire pression sur nos pays d’origine afin de renforcer les liens avec l’Arménie. Nous sommes une véritable passerelle entre la France et l’Arménie, agissant comme le « bras armé » de la diplomatie arménienne en France.

Il est essentiel de prendre en compte l’adhésion de l’Arménie à l’Organisation du Traité de Sécurité Collective (OTSC) et les obligations envers la Russie qui limitent d’autres partenariats, notamment avec l’Occident.

C’est pourquoi nous plaidons en tant que diaspora et lançons un appel aux Arméniens d’Arménie pour qu’ils se mobilisent en faveur de la sortie de l’Arménie de l’OTSC et des alliances avec la Russie, qui clairement favorise les intérêts de l’Azerbaïdjan et cherche à mettre fin à l’Arménie démocratique pour revenir à un système totalitaire.

L’idéal serait que la société civile arménienne organise des rassemblements devant les ambassades de France et des États-Unis, afin d’envoyer un signal fort en direction de l’Occident.

En ce qui concerne l’Artsakh, personne n’a intérêt à ce que les Arméniens de l’Artsakh s’en aillent. La Russie a besoin que le conflit perdure pour maintenir sa présence militaire dans la région, tandis que l’Occident a besoin de la société civile arménienne pour promouvoir la démocratie en Azerbaïdjan. Ceux qui prétendent que l’Artsakh sera abandonné plaident en réalité pour la Russie comme unique sauveur.

Il est évident qu’Aliyev restera dans le plan de la Russie et fera face aux sanctions occidentales. C’est à partir de là que nous pourrons obtenir un statut similaire à celui du Kosovo pour les Arméniens de l’Artsakh. Le véritable enjeu, dans cette perspective, est de savoir qui sera responsable de la sécurité des Arméniens de l’Artsakh.

La Russie souhaite obtenir un mandat illimité de l’ONU, tandis que l’Occident préfère une présence de forces internationales. Pour ma part, compte tenu du blocus et récemment des images montrant l’armée russe aider l’armée azérie à hisser un drapeau de l’Azerbaïdjan sur le territoire arménien, les choses sont claires : la Russie utilise l’Artsakh comme moyen de pression pour faire avancer ses propres intérêts dans la région du Siunik et ouvrir un « corridor du Zangezur » sous le contrôle du FSB. Par conséquent, il est dans notre intérêt de faire appel à des forces internationales plutôt que de placer notre confiance en la Russie.

– Quelle est l’ambiance dans la diaspora ? Quelles sont les démarches de la diaspora pour changer la situation en Artsakh ?

L’ambiance au sein de la diaspora est semblable à celle que l’on retrouve en Arménie. Nous sommes tous engagés dans les événements d’Erevan et de Stepanakert, et les débats ainsi que les divisions sont les mêmes. Avec la mondialisation des sociétés, les clivages entre les partisans d’une orientation pro-russe et ceux en faveur d’une orientation pro-occidentale sont également présents dans le paysage politique de la diaspora.

Cependant, cela n’empêche pas la diaspora d’agir et de faire pression sur le gouvernement français. Il est important de noter que le président Macron a déjà saisi à deux reprises le Conseil de sécurité de l’ONU pour aborder les questions liées à l’Arménie. Nous avons tous pu constater les déclarations belliqueuses d’Aliyev qui ciblent clairement la France en tant que pays favorable à l’Arménie. Il est vrai que sur le plan diplomatique, nous bénéficions de l’engagement du président français en faveur de l’Arménie.

À présent, nous attendons des actions concrètes, notamment sur le plan militaire, et pourquoi pas l’ouverture d’un consulat français dans la région du Syunik. Cette initiative renforcerait les liens entre la France et l’Arménie et permettrait d’apporter un soutien plus direct à notre communauté dans la région.

– N’avez-vous pas l’impression que tout le monde, y compris les autorités de la République d’Arménie, la communauté internationale et nos compatriotes de la diaspora, observe simplement l’Azerbaïdjan en train d’accomplir son plan ?

Nous ne devons pas attendre que l’Azerbaïdjan réalise son plan, nous devons plutôt nous concentrer sur notre propre plan. Le soi-disant « corridor de Zangezur » que souhaite Aliyev ne se réalisera jamais, car l’Occident ne le permettra pas. La guerre de 2020 avait pour objectif de couper la frontière entre l’Arménie et l’Iran. En réalité, c’est le projet européen du corridor Nord-Sud qui est visé. L’Arménie est destinée à devenir un pont entre le monde libre et le monde totalitaire.

Notre rôle est de promouvoir la démocratie dans tout le Caucase, en Iran ainsi qu’en Azerbaïdjan. Ensuite, l’Arménie pourra devenir le centre économique reliant ces deux mondes. La Russie, la Turquie et l’Azerbaïdjan voient cela d’un mauvais œil. Cependant, croyez-moi, ces plans se concrétiseront. Pour y parvenir, nous devons rompre les liens de soumission envers la Russie et établir de nouvelles alliances avec des pays tels que l’Inde, l’Iran, la Géorgie, l’Ukraine, la France et les États-Unis.

Le peuple doit soutenir ce plan et se mobiliser pour qu’il aboutisse. N’oublions pas que la guerre est également psychologique. Depuis trois ans, les forces qui s’opposent à l’Arménie démocratique font tout leur possible pour ébranler l’idéologie libertaire que nous avons héritée depuis des millénaires, l’idéologie de Hayk. Tant que les Arméniens croiront en leur liberté et en leurs traditions chrétiennes, nous ne perdrons pas la guerre psychologique. Il est important de noter que de nombreux empires ont essayé de nous détruire par le passé et se sont effondrés avant nous.

Les Arméniens, avec leur idéologie, leur culture et leurs traditions, ont un rôle civilisationnel à jouer dans ce monde. Il est donc de notre responsabilité d’agir ensemble, avec l’Arménie, l’Artsakh et la diaspora, pour réaliser notre propre plan et atteindre nos objectifs.

Lianna Torosyan

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By Raffy

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